Un conflit aigu a éclaté dans la province de Cibitoke, au cœur de l’ancien domaine agricole RUGOFARM, aujourd’hui rebaptisé Nyakagunda. Deux figures influentes du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, sont au centre d’une lutte acharnée pour la gestion de ces terres publiques. Ce différend, marqué par des accusations d’accaparement illégal, de détournements de fonds et d’escroqueries, menace la stabilité locale et plonge les anciens exploitants agricoles, désormais dépossédés, dans une profonde misère.
Un système d’enrichissement personnel et de locations multiples
Les protagonistes de cette affaire seraient Jean Pierre Niyimpa, responsable provincial du Bureau de l’Agriculture et de l’Élevage (BPAE), et Déo Nsabimana, alias « Muhumure », chef provincial des Imbonerakure à Bujumbura. Selon plusieurs sources locales, les deux hommes auraient pris possession de vastes parcelles du domaine sans suivre la procédure légale, dans le but d’en tirer des profits personnels. Leur modus operandi consisterait à faire louer les mêmes terrains à plusieurs preneurs simultanément, notamment à des coopératives Sangwe. Cette pratique provoque des conflits violents lorsque les différents locataires se retrouvent sur la même parcelle. Impliquant des millions de francs burundais, ce système aurait fini par semer la discorde entre les deux responsables eux-mêmes, chacun accusant l’autre de détourner l’argent collecté.
La population locale, victime d’une spoliation organisée
Pendant que les cadres s’enrichissent et se déchirent, les véritables victimes sont les habitants de Rugombo, qui cultivaient autrefois ces terres. Ils dénoncent une spoliation organisée qui les conduit à la famine. «Nous n’avons plus accès à la terre. Tout est contrôlé par des responsables du parti et leurs proches. Nous mourons de faim », confie un ancien exploitant, aujourd’hui réduit à de petits travaux journaliers. Selon de nombreux villageois, le domaine public, jadis source de revenus pour la communauté, est désormais occupé quasi exclusivement par des cadres du CNDD-FDD, transformant ce bien collectif en une propriété privée de fait.
Une enquête judiciaire face au désespoir paysan
Face à l’ampleur du scandale, le parquet de Cibitoke aurait été saisi par les hautes autorités pour mener une enquête approfondie. L’objectif serait de retracer la chaîne des responsabilités, d’identifier ceux qui ont illégalement acquis ou exploité les terres de RUGOFARM-Nyakagunda, et de déterminer la destination des revenus illicites. L’affaire est devenue un symbole du désespoir paysan et de la mainmise de certains responsables sur les biens publics. Jadis une grande exploitation agricole publique créée à l’époque coloniale, RUGOFARM est aujourd’hui le théâtre d’une injustice que la population locale espère voir sanctionnée, malgré la crainte que le rang politique des accusés ne leur assure l’impunité.





