Mettre fin aux expropriations foncières abusives et assoir l’égalité pour tous en matière d’accès à la terre

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Le 20 février 2025
A S.E Mr Evariste Ndayishimiye
Président de la République du Burundi,
Objet : Mettre fin aux expropriations foncières abusives et assoir l’égalité pour tous en matière d’accès à la terre
Excellence Monsieur le Président de la République,

Le Forum pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC) voudrait vous faire part de sa profonde préoccupation au regard de diverses et graves violations des droits humains qui se commettent au Burundi avec un accent particulier sur les droits fonciers comme un des aspects le plus important du droit de propriété.
Sans prétendre relater toutes les formes de violations des droits fonciers commises au Burundi, le FORSC revient sur deux aspects à savoir les violations des droits fonciers en lien avec le genre et les expropriations foncières abusives pour vous signifier leur ampleur ; et partant vous interpeller en votre qualité de chef de l’Etat et Magistrat Suprême pour prendre des mesures appropriées.

En effet, Excellence Monsieur le Président de la République, vous êtes sans ignorer, qu’en tant que Président de la République, les principes de dignité humaine et la non-discrimination au Burundi figurent dans vos préoccupations pour faire preuve d’un chef d’Etat respectueux des droits humains. Néanmoins, le Burundi est l’un des Etats au monde où la discrimination basée sur le genre n’est pas à démontrer en matière successorale mais aussi et surtout où les expropriations foncières ne suivent plus les balises légales de nature à protéger le peuple lambda contre les abus de l’autorité quant à s’accaparer de sa terre, source de sa vie.

De violation flagrante des droits fonciers successoraux mettant la femme au second rang

La question foncière successorale est une question centrale mais visiblement négligée alors qu’elle se pose avec sa plus grande ampleur et touche une large majorité de population
burundaise dans toute sa diversité : hommes, femmes, mariées, célibataires, enfants, veuves, orphelins, vieillards…avec toutes ses conséquences y compris notamment l’effritement du tissus social, l’insécurité physique des citoyens, les assassinats sous diverses formes, la pauvreté, ….

La succession au Burundi, étant régie par la coutume, non écrite et non harmonisée. De surcroit, lorsqu’on parle de succession, l’opinion dominante pense directement et simplement à la succession de la fille/femme alors que même pour les garçons il n’existe pas de loi réglementant la succession et des conflits successoraux entre les garçons de même souche familiale restent
problématique.

Au moment où un projet de loi portant la succession, les régimes matrimoniaux et les libéralités au Burundi était sur la table du gouvernement, les burundais en général et les défenseurs des droits humains en particulier espéraient que le droit à l’héritage de la femme burundaise allait finalement être légiféré après plusieurs années de lutte mais, d’un coup, les choses ont basculé et
ce projet de loi est devenu lettre morte depuis plus de 15ans.

Excellence Monsieur le Président de la République, des discours et des mesures des officiels découragent et font peur à la population car ils sont de nature à prouver que le Burundi est loin de respecter les droits fondamentaux des droits humains en l’occurrence l’égalité et la nondiscrimination remettent en cause les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme régulièrement ratifiés par le Burundi mais aussi et surtout violent la constitution de la République notamment en ses articles 13, 19, 22,….C’est notamment:

  • Le Président de l’Assemblée Nationale (Gélase Daniel Ndabirabe) qui, en date du 5 novembre 2021 précisa que « l’heure de la succession de la femme burundaise n’est pas encore arrivée et que c’est surtout l’élite féminine éduquée qui veut perturber la culture
    burundaise en militant pour un partage égal de l’héritage parental entre filles et garçons » ;
  • Le Président de la Cour Suprême, Emmanuel Gateretse, à travers sa note aux juridictions burundaises du 16 août 2024, les interdisant de se référer à la jurisprudence foncière sensible au genre et les invitant plutôt à se rabattre à la coutume pour le traitement du contentieux foncier successoral.

Des expropriations foncières abusives et tendant à se généraliser
Excellence Monsieur le Président de la République, force est de constater que les expropriations foncières sont une matière régie par les lois et règlements en vigueur au Burundi notamment au Titre V du code foncier notamment en ses articles 411,412,414,416,417,…précisant les conditions et modalités suivant lesquelles l’expropriation foncière peut être opérée. Dans le même ordre d’idées, l’Art 36 de la constitution précise que nul ne peut être privée de sa propriété que pour cause d’utilité publique et ce, moyennant une indemnisation équitable et préalable.
Néanmoins, Excellence Monsieur le Président de la République, le phénomène d’expropriation abusive tend à prendre sa vitesse de croisière pour atteindre son paroxysme avec une allure d’accaparement des terres à grande échelle.
Permettez de vous faire quelques cas illustratif et interpeller votre implication afin d’y apporter une solution avant que les choses ne débordent:

  • Sur la colline Gasenyi, commune Mutimbuzi, 160ha appartenant à 2000 familles ont été abusivement expropriées pour y ériger le palais présidentiel et les anciens propriétaires n’ont pas obtenu d’indemnisations depuis 2014.
  • Sur la colline de Rukana II, commune Rugombo, province Cibitoke, 438ha ont été expropriés sans suivre aucune procédure légale. Les autorités provinciales de Cibitoke leur précisent que ces terres relèvent du domaine public de l’Etat .
  • Sur la colline Mutambara, commune et province Rumonge, un conflit foncier portant sur environs 910 ha oppose les citoyens et l’Etat. Les autorités provinciales précisent que ces terrains litigieux appartiennent à l’Etat et les populations précisent que le code foncier précise que les terres des paysannats reviennent aux occupants.
  • Sur la colline Nyabututsi rural, commune et province Gitega, les proprietaires d’un terrain de plus ou moins 150 ha sont dans la désolation sur décision du gouvernement qui les a sommés de déguerpir pour y ériger l’hémicycle du parlement burundais. Depuis 2015, une promesse d’indemnisation a été faite mais en vain.
  • Sur les collines environnantes du camp militaire de Mudubugu, commune Gihanga, province Bubanza, une superficie de plus ou moins 1069ha (plus de 5000 ménages) est sujette à une expropriation abusive exercée le commandant dudit camp qui veut agrandir le champ de tir dudit camp. Présentement les terrains litigieux sont contrôlés par des militaires pour traquer toute personne qui tenterait d’y exercer toute activité.
  •  Etc.

Excellence Monsieur le Président de la République, devant une situation pareille, le FORSC craint une escalade d’abus pouvant provoquer des soulèvements de la population si rien n’est fait pour faire valoir la primauté de la loi, le respect des droits humains et la justice sociale au
Burundi.
Le FORSC réaffirme son engagement à poursuivre le monitoring de la situation des droits humains avec un accent particulier sur les droits fonciers afin d’alerter l’opinion nationale et internationale pour faire valoir la primauté du droit pour le plein respect de la dignité humaine.
Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président, l’assurance de notre haute considération
Pour FORSC,
E-mail : forscburundi@gmail.com

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