Déclaration de la société civile sanctionnant la commémoration du 9ème anniversaire des massacres du 11 et 12 décembre 2015 commis au Burundi.

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A l’occasion de la commémoration du neuvième anniversaire des massacres perpétrés par les services de sécurité du Burundi, en connivence avec les Imbonerakure en dates du 11 et 12 décembre 2015 contre les populations civiles réputées comme opposées au troisième mandat
inconstitutionnel de feu Président Nkurunziza, les organisations de la société civile indépendante signataires de la présente portent à la connaissance de l’opinion tant nationale qu’internationale ce qui suit :
1. Contexte des évènements
1. En date du 11 décembre 2015, au moment où la répression sanglante qui visait les populations civiles opposées au troisième mandat illégal de feu le Président Nkurunziza battait son plein, des groupes armés non identifiés ont attaqué certaines casernes militaires situées dans la
capitale Bujumbura et ses environs. Dans la foulée, le porte-parole de l’armée de l’époque, le Colonel Gaspard Baratuza, avait annoncé dans la matinée de ce même jour la mise en déroute des assaillants et le rétablissement de l’ordre dans la ville de Bujumbura tout en dressant le
bilan mitigé des attaques (près de 12 morts). Alors qu’on croyait que le pire était passé, durant la nuit tragique du 11 décembre et la matinée du 12 décembre 2015, certains éléments des corps de défense et de sécurité appuyés par la milice imbonerakure ont ciblé les quartiers dits
contestataires majoritairement habités par des Tutsis. Ils ont défoncé les portes des maisons de paisibles citoyens endormis en violant, torturant et exécutant sommairement plusieurs centaines de personnes.
2. Les massacres du 12 décembre 2015
Au matin du 12 décembre 2015, de centaines de corps ensanglantés, les mains liées derrière le dos et exécutés sommairement d’une balle dans la tête, gisaient dans les rues des quartiers Musaga, Ngagara, Jabe, Nyakabiga et Mutakura. Après diffusion sur les réseaux sociaux de
photos de ces corps de civils assassinés, les habitants de la capitale qui avaient survécu à ces massacres systématiques furent empêchés de sortir de chez eux. Pendant ce temps, des membres de la milice Imbonerakure transportaient les cadavres vers des fosses communes creusées à la hâte dans les faubourgs de Bujumbura. Des véhicules de la mairie de Bujumbura furent mobilisés pour évacuer ces corps jonchant les rues de la capitale. C’est dans ce contexte que le même porte-parole de l’armée annoncera, en vue de couvrir ces massacres, que le bilan des assaillants tués était estimé à 90 personnes sans signaler s’il y avait eu d’autres attaques après le communiqué de l’armée de la veille.
3. L’impunité persistante
Face à ces crimes contre l’humanité, la justice burundaise, instrumentalisée par le pouvoir en place, n’a jamais mené des enquêtes crédibles pour poursuivre les auteurs et les commanditaires de ces massacres, qui auraient fait plus de 300 victimes. Des images satellitaires, publiées par des organisations non gouvernementales comme Amnesty International, n’ont jamais été exploitées utilement par le pouvoir judiciaire. Ce dernier semble être mobilisé pour protéger les auteurs de la répression, qui continuent à faire disparaître des opposants réels ou supposés dans une impunité totale.
4. Soutien aux victimes et engagement pour la justice
Pour la nième fois, les organisations signataires de la présente déclaration s’inclinent devant la mémoire des victimes de ces crimes contre l’humanité et expriment par la même occasion leur indéfectible soutien aux familles des illustres disparus. Ces organisations promettent de
continuer à œuvrer pour qu’une justice impartiale et indépendante, qu’elle soit nationale ou internationale, parvienne un jour à établir la responsabilité et à punir les coupables manifestement protégés par le pouvoir en place au Burundi.
5. Recommandations des organisations signataires
Face aux crimes qui continuent à se commettre sous un regard complice des autorités politiques et judiciaires comme l’ont prouvé d’abord les rapports concordants de la Commission internationale d’enquête sur le Burundi-COI Burundi (de 2016-2021) et les rapports du
Rapporteur spécial des droits de l’homme sur le Burundi ensuite (de 2021 à nos jours), les mêmes organisations signataires aimeraient formuler les recommandations ci-après :
1. A l’égard du Gouvernement du Burundi :
⁃ Rompre avec la culture de l’impunité et l’instrumentalisation d’une justice sélective en vue d’enclencher une enquête indépendante sur les circonstances des massacres et d’autres crimes connexes, afin de lancer des poursuites contre les auteurs. Ces crimes qui constituent
des crimes contre l’humanité, sont imprescriptibles et inamnistiables.
⁃ Permettre aux victimes de ces crimes d’accéder à une justice réparatrice, dans le but de favoriser la réconciliation entre les burundais.

2. A l’égard de la Cour Pénale internationale (CPI)
Les organisations signataires demandent instamment à la Cour Pénale Internationale, de faire avancer les enquêtes en cours depuis plus de sept ans et de lancer des mandats d’arrêts internationaux contre les auteurs de ces exactions, qui continuent de commettre des crimes en
toute impunité, contre toute personne considérée, à tort ou à raison comme un opposant au régime militarisé en place au Burundi.

3. A l’égard de la Communauté internationale et des partenaires du Burundi
Continuer à suivre de près les dérives du régime en place qui, à la veille d’un énième simulacre d’élection, par son intolérance, sa répression de toute voix dissonante, le verrouillage de l’espaces démocratiques, pousse des centaines de milliers de réfugiés à rester en exil, tandis que
le pays continue de plonger dans une misère sans nom.
4. A l’endroit du peuple Burundais
Continuer à faire preuve d’une résilience citoyenne et patriotique en œuvrant résolument pour la renaissance d’un Burundi digne et respectueux de ses valeurs d’humanité, de justice et démocratie.

Fait, le 12 décembre /2024

LES ORGANISATIONS SIGNATAIRES :

1. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture au Burundi (ACAT Burundi)
2. Association des Journalistes Burundais en Exil (AJBE)
3. Association burundaise pour la protection des droits de l’homme et des personnes détenues
(APRODH)
4. Coalition Burundaise des Défenseurs des Droits de l’Homme (CBDDH)
5. Coalition Burundaise des Défenseurs des droits de l’Homme Vivant dans les Camps des
Réfugiés (CBDH/VICAR)
6. Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale (CB-CPI)
7. Coalition de la Société Civile pour le Monitoring Electoral (COSOME)
8. Collectif des Avocats pour la défense des Victimes de crimes de droit International commis
au Burundi (CAVIB)
9. Ensemble pour le Soutien des Défenseurs des Droits Humains en danger (ESDDH)
10. Forum pour la Conscience et de Développement (FOCODE)
11. Forum pour le Renforcement de la Société Civile au Burundi (FORSC)
12. Light for all
13. Ligue ITEKA
14. Mouvement INAMAHORO
15. Mouvement des femmes et filles pour la Paix et la Sécurité au Burundi (MFFPS)
16. Réseau des Citoyens Probes (RCP)
17. SOS Torture-Burundi
18. Tournons la Page-Burundi (TLP-Burundi)
19. Union Burundaise des Journalistes (UBJ)

Télécharger la Déclaration de la société Civile ici