Au regard d’un large multiplicité de consultations effectuées par la CVR au sein de la société burundaise pour connaitre la vérité en vue d’une réconciliation nationale réussie, le Forum pour le Renforcement de la Société civile (FORSC) dénonce de graves irrégularités ayant marqué le travail de dénombrement des victimes des massacres commis au Burundi depuis le 26/02/1885 au 4/12/2008, effectué par la CVR a travers tout le pays. Agissant constamment comme si elle avait déjà tiré des conclusions, tous ses faits et gestes confirment son obsession à déclarer qu’un génocide contre les Hutu a été commis en 1972 comme le revendique plusieurs groupes extrémistes depuis plusieurs années, ignorant toutes les autres périodes sombres qu’a traversées le Burundi comme celle de 1993.
La CVR agit sans vergogne en se permettant de qualifier des crimes graves dont le génocide, une compétence pourtant universellement reconnue comme relevant des cours et tribunaux, nationaux ou internationaux. Cet acharnement de la CVR est synonyme d’une volonté, à peine voilée, de créer des tensions encore plus graves plutôt que de les résoudre.
La présente déclaration relative au recensement des victimes des massacres commis dans différentes provinces du Burundi ainsi que la publication des résultats d’enquêtes sur les massacres perpétrés au Burundi révèlent une gestion détournée des faits historiques par la CVR mettant en lumière les intentions malicieuses de la CVR à la réconciliation nationale :
Un recensement au service du CNDD-FDD organisé à la veille des élections législatives
Selon les propos du président de la CVR, Ambassadeur Pierre Claver Ndayicariye, un recensement sur différentes crises cyclique commis au Burundi ainsi que des terres et autres biens spoliés depuis du 26/02/1885 au 4/12/2008 a été organisée dans 7 provinces du Burundi dont : Cibitoke, Bubanza et Bujumbura : du 16-19/5/2025 ainsi qu’en mairie de Bujumbura, Bururi, Rumonge et Cankuzo : du 26/5/2025 au 1/6/2025 avec « l’objectif de connecter les victimes à leurs biens spoliés »
Ledit recensement revêt un éventail d’imperfections, irrégularités et une prédilection orchestrée par la CVR elle-même pour tronquer toute la vérité :
Un recensement superficiellement organisé en pleine campagne électorale : La CVR a décidément organise un recensement en pleine campagne électorale et expressément accordé un temps relativement insuffisant pour mener une enquête approfondie (3jours) par province
Un recensement couvert de témoignages influencés : les personnes interrogées étaient préparées à l’avance par la CVR pour influencer les témoignages et une autre catégorie de témoins potentiels notamment les plus âgés, pouvant permettre de connaitre toute la vérité, n’avaient pas d’audience et étaient qualifiées de témoins indésirables par les enquêteurs !
Une neutralité douteuse des enquêteurs : les enquêteurs conjointement identifiés par la CVR et le parti au pouvoir étaient constitués exclusivement des membres du CNDD-FDD notamment les Imbonerakure qui, eux-mêmes ont des mains sales dans les atrocités qu’a connues le Burundi et n’incarnent pas la neutralité !
Une CVR totalement politisée pour tronquer la véracité des faits : La CVR est totalement politisée à tel enseigne qu’elle ne fait que conduire le Burundi dans les clivages ethniques avérés au regard de la complicité entre les enquêteurs et les autorités administratives, tous issus du CNDD-FDD. Cette complicité et politisation de la CVR est de nature à tronquer la véracité des faits en vue de s’auto-amnistier sur les crimes odieux lui reprochés.
Des résultats biaisés pour une gestion détournée de la véracité des faits par la CVR
Affichées au courant des mois d’avril et mai 2025 dans les provinces de Mwaro, Muramvya,Kayanza,Ngozi, Makamba,Rutana et Karusi, des listes des victimes connaissent des imperfections et des manipulations flagrantes orchestrées par la CVR tant sur le fond que sur la forme :
Presque la totalité des victimes recensées sont de l’ethnie hutu pour l’année 1972 (à plus ou moins 95%)
Des milliers de tutsi massacrés en 1993 à travers tout le pays ne figurent pratiquement pas sur les listes affichées par la CVR dans toutes les provinces du Burundi
Les déplacés intérieurs de 1993 précisent qu’ils n’ont pas été encore moins touchés par ledit recensement
Affichage des noms des personnes rapportées comme ayant été tuées alors qu’elles sont mortes d’une mort naturelle et d’autres sont encore en vie
Affichage des noms des personnes non connues dans les localités concernées et répétition des noms des mêmes personnes pour alourdir le nombre de victimes pour faire croire que l’enquête était très fouillée
Des gens s’étonnent de voir la publication des résultats d’une enquête qu’ils n’ont pas eu connaissance, preuve que cette enquête n’a vraiment pas été participative et inclusive et émettent des doutes quant à sa fiabilité et l’exhaustivité de ses résultats
A travers tout le pays, les témoignages affirment que les gens ont eu peur à s’exprimer craignant des représailles au regard de la composition des agents recenseurs et du rôle des administratifs locaux principalement constituée des Imbonerakure, jeunes du CNDD-FDD.
Une bonne partie des agents recenseurs sont des imbonerakure et les administratifs qui pilotaient l’enquête sont des membres et/ou ex-combattants du CNDD-FDD qui ont participé dans les massacres des Tutsis de depuis 1993.
Les enquêteurs et administratifs se sentent en même temps victimes et auteurs des atrocités vécues que d’autres burundais et font tout pour cacher la vérité. Ce qui compromet la qualité et l’objectivité du travail.
L’acharne de la CVR à qualifier les massacres de 1972 de génocide contre les hutu
Loin d’être une commission neutre et réconciliatrice, la CVR est devenue un véritable instrument du CNDD-FDD et ne ménage aucun effort pour diviser la mémoire des Burundais victimes de plusieurs atrocités simultanément ou à des séquences séparées et faire comprendre que les massacres qui ont eu lieu en 1972 constituent un génocide contre les Hutu du Burundi en faisant fis aux divers autres massacres perpétrés y compris ceux de 1993. Cette tendance, à peine voilée de la CVR, apparait dans ses différentes consultations menées à travers le pays depuis 2024 jusque maintenant ainsi que ses actions de lobbying au niveau du parlement burundais et auprès des nations unies. L’évènement parallèle organisé par la CVR au Siège des Nations Unies en date du 25 juin 2025, sous le titre : « Le Génocide de 1972 contre les Hutus du Burundi : de la mémoire à l’action dans le cadre de la responsabilité de protéger »[1] en est plus éloquent.
Face à cet évènement parallèle, les organisations de la Société Civile (OSC) burundaise ont exprimé leurs inquiétudes à travers un appel public précisant que si un tel événement est organisé sous l’égide des Nations Unies, il y a un grand risque d’avaliser une lecture unilatérale et biaisée de l’histoire du Burundi occultant ainsi d’autres événements tragiques traversés par le Burundi notamment en1965,1988,1993,2015, etc.
Préoccupations de FORSC face aux dérapages et manque de neutralité de la CVR
FORSC s’inquiète de divers dérapages de la CVR pour une réconciliation réussie et marque ses préoccupations en même temps exprimées par la population en général, les proches des victimes des massacres à différentes époques ainsi que divers défenseurs des droits humains.
FORSC rappelle quelques actions dénonçant les dérapages et la partialité de la CVR :
Juin 2025 : Appel de 20 organisations de la société civile burundaise indépendante invitant la CVR à user de sa neutralité pour une approche équitable de la mémoire des crimes de Génocide et crimes contre l’humanité commis au Burundi[2]
Mars 2021 : Rapport de JusticeInfo.net dénonçant que la CVR est un instrument de mobilisation des Hutus et ne contribue pas à la réconciliation des Burundais. « Commission vérité au Burundi : le rapport de la discorde »[3]
Novembre 2020 : Rapport-alerte de 16 OSC dénonçant l’instrumentalisation politico-ethnique de la CVR en faveur de l’oligarchie du parti CNDD-FDD au pouvoir
Septembre 2020 : Rapport de la commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi dénonçant la partialité de la CVR dans la réalisation de sa mission qui n’incluait aucune victime Tutsi.
Novembre 2017 : Rapport de FORSC sur les prestations de la CVR précisant que la CVR doit s’abstenir d’initier la recherche de la vérité à sens unique[4]
Aout 1996 : Rapport de la commission internationale d’enquête sur le Burundi qui a conclu qu’un crime de génocide a été commis contre la minorité Tutsi en 1993[5].
RECOMMANDATIONS
De ce qui précède, il est très clair que la CVR est l’instrument privilégié du CNDD-FDD pour s’auto-amnistier à tout prix des crimes graves lui reprochés et FORSC et recommande ce qui suit :
Au gouvernement du Burundi : De faire cesser les actions malicieuses et erronées de la CVR de nature à compromettre la concorde sociale entre les burundais plutôt que les réconcilier.
A la CVR : (1)D’initier des actions réconciliatrices dans la recherche de la vérité et s’abstenir de toute attitude partiale, divisionniste et détournée des faits historiques et à fausser sciemment la vérité longtemps attendue par les burundais, (2)De cesser avec la qualification du crime de génocide contre les hutu de 1972(pas de sa compétence) comme se laissent remarquer ses diverses démarches y compris au sein des Nations Unies en faisant fis aux autres événements tragiques ayant endeuillé le Burundi
Aux partenaires du Burundi : (1)De continuer a faire pression sur le Burundi à entamer un dialogue sincère inter burundais pour débattre et tracer les pistes de réconciliation effective et ne pas tomber dans le travers du parti au pouvoir, CNDD-FDD qui ne veut que s’amnistier, (2)D’appuyer le travail de monitoring des OSC pour leur permettre un suivi rapproché et une dénonciation des dérapages de la CVR dans l’accomplissement de sa mission.
Aux OSC et médias : De rester connecté et vigilant avec les actions de la CVR pour un bon monitoring et bien jouer le rôle de watch dog et dénoncer en temps réel tout dérapage de la CVR
Signée 21/7/2025